Un rappel sur la portée de la clause de non-conurrence avec
l’arrêt Soins santé Portneuf c. Savard, 2013 QCCQ 6961. Santé Portneuf est une
agence de placement auprès des
centres hospitaliers et d'hébergement. À cette fin, elle emploie des préposés
aux bénéficiaires, des infirmiers(ères) auxiliaires et des infirmiers(ères)
pour du travail sur appel, de
jour, de soir ou de nuit, qu'elle offre à temps plein et à horaire
fixe, afin de pallier le manque de personnel chez ses clients.
Le 1er avril 2010, Santé Portneuf retient les services de Mme Savard, infirmière auxiliaire
qui souhaite travailler à plein temps, et lui fait signer une convention
d'exclusivité et de non-sollicitation qui prévoit :
« 2. L'employée s'engage
formellement à ne pas, directement ou indirectement, de quelques façons que ce soient, solliciter, postuler,
appliquer ou répondre à une offre d'emploi du client pour qui elle sera placée
par son employeur et ce, durant toute la durée du contrat de placement de
personnel et dans les 6 mois de
son expiration;
3. Au cas de la contravention de
la présente convention de non sollicitation, l'employée accepte
d'avance qu'il lui soit enjoint par injonction de la respecter et accepte de verser à l'employeur, à titre de pénalité, une somme de
1 000,00$ pour chaque journée d'infraction; ».
Mme
Savard travaille de façon
sporadique. Mme Savard ne veut pas travailler le soir, la nuit ou les fins
de semaine jusqu'en mars 2011. À compter
du 3 mars 2011, Mme Savard travaille chez Villa à plein temps, de 8 heures à 16 heures.
La représentante de Villa, Mme Buteau témoigne qu'à la mi-avril
2011, M. Julien l'informe qu'il ne pourra plus lui fournir le personnel
nécessaire car les centres hospitaliers et d'hébergement ont besoin de plusieurs ressources l'été, durant
les vacances. De plus, comme le
personnel infirmier doit accomplir des tâches de
préposés aux bénéficiaires dans un centre d'hébergement privé, il est plus
difficile de trouver du
personnel. Elle doit donc se trouver rapidement une infirmière.
Mme Savard déclare qu'à peu près au même moment, M. Julien
la prévient qu'elle ne travaillera plus bientôt pour Villa car l'entente est
terminée. Dans les jours suivants, Mme Buteau offre un poste à Mme Savard.
Celle-ci en discute avec M. Julien. Elle est intéressée puisque
Mme Bluteau lui offre du plein temps et cinq heures additionnelles aux
mêmes conditions.
Selon Mme Savard, M. Julien n'y voit pas d'objection car il
prendra « arrangement avec Mme Buteau pour que tout le monde
soit heureux ». Elle lui donne sa démission avec un délai-congé de 15 jours.
Quelques jours plus tard, M. Julien rencontre Mme Buteau et
lui réclame un dédommagement pour le recrutement de Mme Savard, ce qu'elle refuse. Elle l'informe que
Mme Savard commencera à travailler pour Villa le 9 mai 2011, une fois le
délai-congé de 15 jours écoulé.
M. Julien prévient Mme Savard qu'il n'a pas réussi à
s'entendre avec Mme Buteau et que « le marché ne tient plus ». Mme
Savard est prête à travailler à nouveau pour M. Julien, en autant qu'elle
puisse travailler à temps plein comme chez Villa, ce qu'il ne peut lui
garantir. Elle commence donc à travailler pour Villa le 9 mai 2011 et elle y
restera jusqu'au 22 juillet 2012.
Le 7 juin 2011, invoquant la convention d'exclusivité et de non-sollicitation,
Santé Portneuf réclame, par mise en demeure, à titre de dédommagement, non
pas l'application de la clause pénale mais une perte de profits de 6 060,00$ calculée sur une base de six mois ainsi que 939,40$ pour la perte d'un
client.
La Cour rappelle que l’entente d'exclusivité et de non-sollicitation
signée par Mme Savard est une clause
restrictive d'emploi dans le cadre d'un contrat de travail doublée d'une clause pénale accessoire à l'obligation contractée.
L'article 1622 du Code civil du Québec définit la clause pénale :
1622.
La clause pénale est celle par
laquelle les parties évaluent par anticipation les dommages-intérêts en
stipulant que le débiteur se soumettra à une peine au cas où il n'exécuterait
pas son obligation.
Elle
donne au créancier le droit de
se prévaloir de cette clause au lieu de poursuivre, dans les cas qui le permettent,
l'exécution en nature de
l'obligation; mais il ne peut en aucun cas demander en même temps l'exécution
et la peine, à moins que celle-ci n'ait été stipulée que pour le seul retard
dans l'exécution de
l'obligation.
L'article 1623 CcQ précise :
1623.
Le créancier qui se prévaut de
la clause pénale a droit au
montant de la peine stipulée
sans avoir à prouver le préjudice qu'il a subi.
Cependant,
le montant de la peine stipulée
peut être réduit si l'exécution partielle de
l'obligation a profité au créancier ou si la clause
est abusive.
L'objectif d'une clause
semblable est de déterminer à
l'avance quels seront les dommages et intérêts en cas d'inexécution de l'obligation, remplaçant ainsi
l'évaluation judiciaire autrement applicable. Elle a un caractère à la fois
compensatoire et dissuasif. Le montant de
la peine ainsi fixé peut aussi être réduit par le Tribunal si la clause est abusive.
Or, selon la Cour, dans le présent dossier, la pénalité est
fixée à 1 000,00$ pour chaque journée d'infraction, ce qui, de prime abord, paraît abusif. De plus, cette pénalité ressemble
davantage à une amende conventionnelle exclusivement punitive pour dissuader un
employé de répondre à une offre
d'emploi d'un client de Santé
Portneuf plutôt qu'à déterminer, par anticipation, les dommages en résultant.
Cette clause
d'exclusivité et de non-sollicitation de clientèle n'empêche pas seulement Mme Savard de solliciter les clients de Santé Portneuf où elle travaille ou
a déjà travaillé. Elle lui interdit de
travailler pour eux. Il s'agit d'une interdiction faite è Mme Savard de « concurrencer
» Santé Portneuf en desservant le ou les clients de celle-ci.
L'article 2089 CcQ. trouve ici application :
2089.
Les parties peuvent, par écrit et en termes exprès, stipuler que, même après la
fin du contrat, le salarié ne pourra faire concurrence
à l'employeur ni participer à quelque titre que ce soit à une entreprise qui
lui ferait concurrence.
Toutefois,
cette stipulation doit être limitée, quant au temps, au lieu et au genre de travail, à ce qui est nécessaire
pour protéger les intérêts légitimes de
l'employeur.
Il
incombe à l'employeur de
prouver que cette stipulation est valide.
La validité d'une clause
de non-concurrence
est tributaire du respect des conditions de
forme et des conditions de fond
énumérées à 2089 CcQ.
La loi prévoit qu'une clause
de cette nature doit être
écrite, explicite et limitée à ce qui est nécessaire pour assurer la protection
raisonnable des intérêts de
l'employeur. Ces conditions sont impératives.
Selon la Cour, les clauses
de non-concurrence
qui sont imprécises, ne comportent pas de
limite ou dont les limites sont déraisonnables sont nulles. Comme la Cour ne
peut ni modifier ni suppléer à la clause
imparfaite, elle ne peut que la déclarer nulle et inopposable
La Cour conclut que l'entente d'exclusivité et de non-sollicitation
est invalide et Santé Portneuf ne peut, sur la base de cette clause,
réclamer des dommages-intérêts et rejette le recours
Note de l'auteur: L'information contenue dans cette chronique est générale et ne constitue pas un avis juridique
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